Hôtel des Invalides, qui constitute dans le cinéma de Franju le cas exemplaire d'une approche qui ne pouvait manquer de déplaire au gouvernement, est commandité par Henri Claudel, représentant des relations culturells et reponsable financier des projets culturels au ministère des Affaires étrangères. Selon le récit qu'en a fait Franju, le choix du sujet est le fruit du hasard. (...) Franju affirme que le film ne montrera ni moignons ni sang, mais qu'il sera pacifiste. Dès l'origine, Franju est déterminé à saisir l'occasion de proclamer son pacifisme et de condamner toute guerre, ce qui est fort différent d'une critique politique de son pays, et a fortiori de l'administration de l'époque.
Claudel se montre un fervent défenseur de Franju dans sa condamnation des horreurs de la guerre ; comme d'autres personnages influents qui défendent le court métrage au début des années 50, Claude se préoccupe davantage de produire des "films de prestige" que de respecter des présupposés idéologiques en matière de représentation. Le conflit quue suscite le film n'oppose pas tant Franju à ses commanditaires qu'il est interne aux différents ministères, le film n'ayant aucun lien avec les services s'occupant de l'armée française, de l'histoire militaire et de la défense nationale. Un indice de distance prise par rapport à ces domaines sensibles est livré dans le tout premier plan du film, avant même le générique, lorsqu'on nous explique que les "auteurs" ont limité leur enquête à cette partie de l'institution que constitue le Musée de la cié administrative.
© Kate Ince, "Georges Franju : Au-delà du fantastique", ed. L'Harmattan, p. 28.